Des années que j'attendais ce moment.

C'est dans la réserve de Savute au Botswana que j'ai pu partager le quotidien d'une meute de lycaons composée de 7 adultes et 7 chiots âgés de 5 semaines. 

Ils venaient juste de s’installer dans un nouveau terrier, abandonnant le précédent, suite à la présence d'humains irrespectueux, trop nombreux et trop près du terrier. Changer de terrier n'est pas sans risque, c'est un moment propice pour l'attaque de leurs ennemis et deux chiots avaient déjà été tués par les hyènes tachetées.

La femelle dominante restait en permanence près du terrier, alternant les périodes d'allaitement, de jeu, soins aux chiots et d'entretien du terrier.  Elle était secondée par sa sœur et pouvait ainsi se reposer quelques courts instants. Quand venait le soir, elles étaient aux aguets et attendaient avec impatience, le retour de chasse de la meute. La faim les tiraillait. 

Les lycaons partent à la chasse très tôt le matin ou en soirée, pour une course poursuite avec leur proie. Ce sont les prédateurs les plus performants avec 85% de succès à la chasse. Récemment des chercheurs ont observé que la décision de partir en chasse était consécutive à un vote sous forme d'éternuement des différents membres de la meute. Le départ donné, ils sont capables de courir sur plusieurs dizaines de kilomètres, jusqu'à épuisement de la proie, qu’ils dévorent en quelques minutes. 

La présence des chiots encore petits, sédentarisent ces nomades au territoire immense, parfois de plus de  500 km². La chasse se déroule alors à proximité du terrier pendant les trois premiers mois de vie des chiots. 

Au retour de la chasse,  les femelles restées près du terrier venaient, tête baissée, vers les  chasseurs aux ventres ronds remplis de viande. Elles approchaient leur gueule de celles des chasseurs, stimulant ainsi la régurgitation de la viande. Les chiots très excités mettaient leur tête dans la gueule des adultes puis se disputaient le moindre morceau ainsi récupéré. Tous les adultes nourrissaient et s'occupaient des chiots. 

Chez les lycaons, personne n'est laissé pour compte, la nourriture est partagée avec les non chasseurs, chiots, nurses, vieux ou handicapés.

Un matin, deux jeunes hyènes tachetées se sont approchées du terrier. Aussitôt les lycaons ont foncé sur elles, les mordant sans répit. Les hyènes sont reparties après avoir reçu une bonne leçon. La femelle dominante avait du caractère et défendait ses chiots coûte que coûte. Cela ne l'empêchait pas de réprimander d'un coup de gueule un chiot trop indiscipliné ou sa propre sœur trop familière avec ses chiots.

Les chiots grandissaient à vue d'œil, prenant de l’assurance et s'éloignant de plus en plus du terrier. J'ai appris plus tard, que 3 mois après leur naissance, les chiots n'étaient plus que 5, le dernier avait été tué par un léopard. 

Même si des lycaons adultes ou chiots succombent parfois aux attaques des autres prédateurs, lions, hyènes, léopards, l’effondrement de leur population est consécutive aux activités humaines : perte et fragmentation de leur habitat (L’espèce est limitée à seulement 7% de de son aire de répartition historique), piégeage accidentel, empoisonnement, maladies transmissibles par les chiens domestiques, mais également réchauffement climatique qui affecte directement  leur comportement de chasse et la survie des chiots.  

Entre 300000 à 500000 au début du 20 ème siècle, on estime actuellement la population globale à environ 6600 dont 1400 adultes aujourd’hui. Les connaissances sur cette espèce sociale particulièrement solidaire et aux communications complexes ne font que commencer, mais les lycaons sont en danger d’extinction, sur la liste rouge de l’UICN, et leur survie très compromise ne dépend que de la volonté des humains.