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Dans ces carnets, les textes et les photos relatent des situations que j’ai vécues au cours de mes voyages. Des moments forts en émotions, en observant le comportement des animaux. Dans tous les cas, des moments qui amènent à réfléchir sur la condition animale et à notre relation avec eux.

“L'homme n'est pas le seul animal à penser, mais c'est le seul à penser qu'il n'est pas un animal” - Pascal PICQ

Mère Nature...Mère Nature...Mère Nature...
Mère Nature...

Mère Nature, qui après nous restez,

Ayez les coeurs contre nous endurcis,

Car, si pitié de nous pauvres avez,

Les hommes, si tôt, détruiront, mercis.

 

Je reviens du Brésil et trotte dans ma tête le poème de François Villon «La balade des pendus» :

 

« Frères humains, qui après nous vivez,

N’ayez les coeurs contre nous endurcis,

Car, si pitié de nous pauvres avez,

Dieu en aura plus tôt de vous mercis. » 

 

Mais il me vient à l’esprit d’autres paroles. Comment ne pas être en colère contre sa propre espèce quand tout autour de moi brûle !

 

J’ai traversé une bonne partie de ce pays pour me rendre dans le bassin amazonien, afin d’observer et de photographier mon oiseau préféré : la harpie féroce. Cet aigle forestier est splendide, avec son regard qui vous transperce, sa houppe telle une couronne majestueuse et son plumage digne des habits d’apparat. Il règne sur la canopée de la forêt amazonienne. Son vol n‘en est pas moins exceptionnel. Virevoltant entre la cime des arbres malgré ses deux mètres d envergure, il chasse les singes, tamanduas, aras et bien d’autres encore. Ses serres peuvent être aussi grands que les griffes du grizzli et sa puissance n’a d’égal que sa grâce.

 

Le jour n’est pas encore levé, je suis déjà installée sur ma petite plateforme à 31 mètres  de hauteur, face au nid de la harpie. Un aiglon de 7 mois  m’observe. Nous passons nos journées ensemble. Parfois il me fausse compagnie pour un petit vol d’exploration autour du nid. Il faut qu’il s’exerce, qu’il se muscle pour être aussi fort et rapide que ses parents. Il découvre son milieu, ses futures proies, il les observe. Ce ne sera pas facile d’attraper ces capucins qui sautent de branche en branche aussi vifs que l’éclair. Un ara peut être? iIs sont bruyants, à croire qu’ils veulent être repérés, trop fiers de montrer leurs couleurs flamboyantes. 

Pour le moment un vol par jour, c ‘est bien suffisant. Quand il s’aventure plus loin et que je le perds de vue, pas question de baisser ma garde. Il faut que je le repère dés son retour, pour le voir voler quelques secondes avant qu’il ne regagne le nid. Après sa petite escapade du matin, il restera là, à coté de moi. Il passera le reste de la journée à observer, apprendre et dormir. Parfois il étend ses ailes l’une après l’autre. Rester immobile pendant des heures, ça engourdit les muscles. J’en profite pour en faire autant. Onze à douze heures d affilée sur cette petite plateforme d’un mètre cinquante, quelques étirements sont les bien venus. De même quand je le vois s’assoupir aux heures les plus chaudes de la journée, je me laisse aller à un peu de repos et il est fort à parier que je rêve de harpie.

Aujourd’hui un vautour est venu se poser sur son arbre, sans doute attiré par les restes du tamandua, la dernière proie apportée par ses parents.

Cela ne lui a pas plu du tout, Il ne l’a pas quitté des yeux, inquiet, que cet intrus ose venir se poser si prés de lui. Il sera moins audacieux quand l’aiglon aura atteint sa taille adulte.  

Le soir commence à tomber, la lumière s’adoucit. Encore une journée le ventre vide ou presque. Il n’y a plus que les os et la peau du tamandua  pour tromper sa faim. Il scrute l’horizon et appelle encore et encore. Ses cris tels des sifflements aigus se perdent au dessus de la canopée et toujours pas de réponse. 

 

Ces parents l’ont-ils abandonné? Sont-ils morts dans ce pays ravagé par les flammes? Pendant combien de temps encore viendront-ils nicher dans cet arbre et parcourir de si longues distances pour nourrir leur rejeton. Le nid est au centre d’un minuscule îlot de verdure. La forêt n’existe plus, c’est une savane desséchée par le soleil où se dressent encore quelques géants au tronc calciné. Le matin l’odeur du bois brulé envahit l’atmosphère  et parfois le bruit des camions et des tronçonneuses couvrent le chants des oiseaux et des cigales. 

 

Je suis en colère et je désespère de l’espèce humaine. Nous faisons partie de la nature, elle ne nous appartient pas et en la détruisant ainsi, nous courrons à notre perte et à la disparition de la biodiversité actuelle, fruit de millions d’années d‘évolution. Tout cela pour assouvir notre soif de possession et de profit. Mais je me refuse de prétexter qu’il est trop tard pour cautionner comme certains l’inaction. Il ne tient qu‘à nous de limiter l’ampleur du désastre. La furieuse volonté de vivre de ces animaux sauvages est une leçon pour moi, pour nous tous et je ne lâcherai rien. 

 

Mère Nature qui après nous restez…

 

PS: Après 4 jours d’affût, le mâle est venu faire un vol de repérage à la tombée de la nuit pour voir si l’aiglon était toujours là et si l’endroit  était sûr. Plus que jamais je restais immobile et silencieuse. Le lendemain matin, il lui rapporta un singe araignée. Sa visite fut très brève. L aiglon ne cessa ses appels, avant pendant et après sa venue. Ce n’est que plusieurs minutes après le départ du mâle, qu’il se mit à manger, à croire que la présence de ses parents lui manquait plus que la nourriture !

 
 
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