“L'homme n'est pas le seul animal à penser, mais c'est le seul à penser qu'il n'est pas un animal” - Pascal PICQ
Kenya, Masai Mara, début septembre.
C'est une des plus importantes migrations de gnous que l'on ait vue depuis vingt ans. Des centaines de milliers d'animaux recouvrent les collines du Masai Mara. Où que le regard se porte, ils sont là. L'étendue herbeuse s’anime, recouverte d’une multitude de petites taches sombres. Au loin, les troupeaux sont si compacts, qu’ils ressemblent aux ombres des nuages qui traversent la plaine.
Les animaux se déplacent en longues files indiennes. Parfois quelques bêtes fougueuses se mettent à galoper dans tous les sens, ivres de leur liberté dans ces espaces infinis, où l'herbe, objet de leur quête, est à profusion. Au bord de la falaise qui domine le lit de la rivière, ils se regroupent serrés les uns contre les autres. Les zèbres et de topis se mêlent aux gnous. Il faut traversée pour aller encore plus loin. Mais où et quand? Ce sont les questions qu’ils semblent se poser. Ils observent, indécis, cherchent un chemin moins abrupte. Après de longues minutes, un animal plus audacieux, semble vouloir s'engager dans la pente, mais une soudaine hésitation et tout le troupeau agglutiné derrière lui, fait machine arrière dans un mouvement de panique.
Il faut dire que la décision de traverser est difficile à prendre, quand on connait tous les dangers, et que l'on sait que certains d'entre eux n'atteindront jamais l'autre rive.
Il y a les léopards tapis dans les bosquets qui s'agrippent aux pentes, les lionnes qui observent non loin de là, d'un air placide les mouvements de foule des animaux, cherchant une occasion propice, pour porter leur attaque, les crocodiles guettant dans l'eau boueuse de la rivière, un repas facile et puis ils y a ceux, qui lors de la traversée vont se blesser, celant ainsi leur sort.
Le calme revient enfin. Les animaux se pressent, de nouveau, au bord du ravin. Le meuglement des gnous devient assourdissant. Enfin, la traversée commence. Ce sont les zèbres qui ouvrent la marche. Soudain, les choses s'accélèrent, les animaux se précipitent dans la pente, bondissent dans l'eau, traversent la rivière le plus vite possible, puis remontent la rive opposée au galop. Les gnous, qui ne sont pas encore passés, s'agglutinent dans le goulot d'étranglement qui plonge vers la rivière, disparaissant dans un nuage de poussière, soulevé par ceux qui les ont précédés. C’est à ce moment là, qu’une lionne surgit, profitant de cette agitation soudaine, pour lancer une attaque. La traversée s'interrompt aussitôt et les animaux se mettent à cavaler dans le sens opposé dans une totale confusion.
Dans la précipitation, un jeune gnou s'est blessé et se retrouve isolé de l'autre côté de la rivière, il peine à remonter et s'engage sur une pente trop raide pour lui. Quelques gnous adultes déjà au sommet de l'autre rive, redescendent vers lui. Ils l'entrainent sur un chemin moins pentu, pour faciliter sa remontée. Le jeune animal les suit, mais épuisé et tremblant sur ces pattes, il glisse de nouveau sur ce terrain boueux et replonge dans la rivière. Séparé du groupe, il n'a aucune chance de s'en sortir. Je lève alors les yeux, attirée par les cris d'appel incessants des zèbres qui ont rejoint la rive opposée et qui tentent de convaincre le reste de leur groupe, toujours de l'autre coté, de les rejoindre.
Qu'il est difficile de prendre la décision de traverser….